* Commis d’office

Publié le par 67-ciné.gi-2009











Commis d’office policier de Hannelore Cayre










avec :
Roschdy Zem, Jean-Philippe Ecoffey, Mathias Mlekuz, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Martins, Robert Chartier, Pierre Londiche, Toni Hristoff, Hannelore Cayre, Jackie Nercessian, Brigitte Virtudes, Hicham Kadiri, Rodolphe Le Cor, Jean-Claude Monthiel, Vincianne Millereau, Nathalie Lacroix, Thérèse Moumani, Jean-Jacques Nonot et Sami Tigharghar

durée : 1h28
sortie le 6 mai 2009

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Synopsis
À 40 ans révolus, Antoine Lahoud est un avocat pénaliste enthousiaste mais déçu par son milieu professionnel. Il traîne son âme de bon samaritain de commissions d’office en dossiers minables. C’est là, à l’occasion d’une plaidoirie, qu’il est «remarqué» par Henry Marsac, un avocat à la réputation sulfureuse. Ce dernier l’engage à ses côtés dans la défense des gros truands et le fait goûter aux fruits de sa prospérité. Lahoud ne mettra pas longtemps à comprendre que l’engouement soudain qu’il suscite chez son confrère est loin d’être désintéressé et qu’il le conduira... derrière les barreaux.


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Entretien avec Hannelore Cayre
- : « Commis d’office est adapté de votre livre éponyme qui a rencontré un vif succès. Comment est venu le désir de passer du roman au cinéma ? »

Hannelore Cayre : « Cela fait un peu cliché, mais faire du cinéma est un rêve d’enfant. Une fois terminées mes études de droit, j’ai fait une tentative d’entrée dans ce monde par le biais de la production. Puis, j’ai fait des courts-métrages (Albertinaamaigri, qui a reçu un bel accueil dans les festivals). J’ai même eu l’avance sur recette pour un projet qui n’a jamais pu se monter. Comme ce que je fais s’inspire d’un univers un peu trop personnel, il était difficile de trouver les financements. Par le biais d’un succès littéraire, cela a été plus simple. J’ai eu environ une demi-douzaine de demandes d’achat de droits… Evidemment, cela n’est pas une mince affaire de trouver quelqu’un qui accepte que je porte moi-même mon livre à l’écran. Mais comme je me suis accrochée à mes droits littéraires comme une possédée, j’ai fini par trouver un fou, Marc Irmer, qui a accepté de tenter l’aventure avec moi. »

- : « Vous êtes vous-même avocate, écrivain et réalisatrice. Parlez-nous de ce parcours atypique. »

Hannelore Cayre : « Je ne sais pas si ce parcours est atypique car ne dit-on pas que le droit mène à tout ! Il est vrai que le ton est différent de ce que l’on a l’habitude d’entendre sur les avocats. Le sujet judiciaire est un sujet qui plait beaucoup et qui intéresse les gens. Pourtant, les films ou séries que l’on voit à la télévision sont des tissus de niaiseries ou d’erreurs procédurales et l’on montre des avocats agitant leurs manches avec une emphase hystérique pour défendre des innocents. Toute l’imagerie qui est véhiculée sur cette profession crée énormément d’erreurs de vocation parmi les jeunes, qui tout à coup s’aperçoivent après avoir fait de longues études que ce n’est pas du tout leur truc. C’est un métier difficile… et une profession libérale ce qu’on oublie très souvent. »


- : « Pourquoi mettre en lumière le sort du commis d’office, plus particulièrement ? »

Hannelore Cayre : « Parce que comme pour toute profession libérale, si personne ne pousse votre porte, vous ne mangez rien le soir. Croire que tous les avocats sont des gens riches est une erreur. Comme les médecins qui font des permanences dans les services médico-judiciaires ou pour les visites médicales scolaires. La commission d’office manque certes de panache, mais c’est un gagne pain qui est le bienvenu quand on en a besoin. Pour ce qui est du choix du métier de pénaliste, le droit pénal est la seule branche du droit où tous les avocats sont égaux face à la question de la clientèle, peu importe leur origine sociale. Seul le talent compte. »

- : « On sent bien la solitude de ce personnage au quotidien. »

Hannelore Cayre : « Effectivement, il est seul face à l’impératif de gagner sa vie dans cet univers libéral hautement concurrentiel. Personne n’a jamais envisagé que les avocats pouvaient se battre entre eux pour savoir lequel défendra le plus gros truand avec le plus d’argent. Personne  ne s’est même posé cette question pourtant fort simple : comment, d’où et de qui un pénaliste tire ses honoraires…? C’est étrange,comme si le caractère fantasmatique de cette profession annihilait tout sens critique. »

- : « Donc, vous brisez un tabou sur ce métier : l’argent ? »

Hannelore Cayre : « Je ne pense pas briser un tabou. J’expose simplement comment un avocat gagne sa vie. Ce n’est pas de ma faute si l’argent reste en France le sujet le plus pornographique qu’on puisse aborder. L’avocat monnaye son talent pour arracher à un magistrat une décision favorable à son client. »

- : « Comme un chanteur, un peu, qui doit plaire à son auditoire ? On peut dire que c’est un artiste. »

Hannelore Cayre : « Exactement. Il y a les chanteurs de bals qu’on ne connaît pas, et ceux dont la renommée ou le talent est tel qu’on les paie très cher pour pousser la chansonnette. L’avocat a cela de commun avec le chanteur qu’il pratique un art instantané et qu’on juge sa prestation à son résultat sur son auditoire. »

- : « Et l’avocat acteur, est-ce la même chose ? »

Hannelore Cayre : « C’est diffèrent. Plaider c’est convertir, du moins convaincre ou raffermir des convictions chancelantes. L’avocat n’incarne pas un personnage. C’est pour cela que les avocats tels qu’on les montre à la télévision ou au cinéma sonnent si faux. Les acteurs se méprennent lorsqu’ils jouent les avocats. Ils ne doivent pas jouer, ils doivent être. L’orateur n’est pas qu’une fonction, il est aussi un être humain. Souffreteux ou bien portant, vieux ou jeune, nordique ou méditerranéen, il ne plaidera pas de la même manière. Il a des préjugés, une expérience, un âge…Bref, la pire erreur qu’il puisse commettre est de donner une fausse image de ce qu’il est intrinsèquement. »

- : « Parlons du lieu exceptionnel dans lequel vous avez tourné : le Palais de Justice de Paris. C’est une première ? »

Hannelore Cayre : « Je suis sûre que cet effort de tourner dans de vrais lieux de justice avec de vraies procédures, de vrais permis de visite dans une vraie prison… et parfois de vrais truands, se voit à l’écran. La 23ème  chambre du tribunal correctionnel de Paris, la chambre des comparutions immédiates, suinte la peur, la toute puissance de l’arbitraire et du malheur. Comment les acteurs auraient-ils pu être mieux mis en situation ?  Il faut savoir que le Palais de Justice dépend de plusieurs ministères. Il a donc fallu obtenir de nombreuses autorisations pour y tourner. Les salles étaient couvertes de boiseries fragilisées par les siècles et il nous était impossible d’accrocher des projecteurs, le courant fonctionne je crois encore aux 110 volts ; les audiences reprenaient chaque jour à 14 heures dans la salle où nous tournions. On ne pouvait rentrer aucun camion dans le hall de la Sainte Chapelle… Bref, pour un premier film, c’était angoissant. Par bonheur, j’ai eu la chance de travailler avec une équipe exceptionnellement performante. »


- : « Vous avez tout de suite pensé à Roschdy Zem pour le rôle principal ? »

Hannelore Cayre : « Dans mon livre, le personnage s’appelle Christophe Leibowitz-Berthier. Ce personnage incarne ce que je suis moi, ou mon mari  avec lequel je travaille, à savoir des émigrants première génération. Nous n’avons aucun terreau familial et il nous a fallu créer notre clientèle à partir de rien. Dans le livre, il y a les mots pour décrire cette situation. C’est plus facilement lisible grâce à la voix intérieure du personnage. A l’image, la question était de savoir comment montrer cet état de fait. Roschdy Zem, que je trouve particulièrement brillant dans son rôle, représente bien ce que je voulais défendre. Et pour l’anecdote, c’est Roschdy lui-même, qui a trouvé le nom de son personnage, Maître Antoine Lahoud. »

- : « Comment a-t-il réagi face à ce lieu chargé d’émotions ? »

Hannelore Cayre : « Malheur pour celui qui vise au grandiose avec le physique d’un valet disait des avocats un maître de rhétorique. Et bien on peut dire que Roschdy, avec le physique qu’il a, de surcroît revêtu de la robe noire, peut viser sans crainte au grandiose. Plaisanterie mise à part, je souhaitais avant tout que les acteurs et l’équipe en général sortent de ce tournage avec le minimum de connaissances qu’on est en droit d’exiger d’un citoyen. Tout  le monde a été obligé d’assister à des audiences, de voir ce qu’était de porter une paire de menottes. Même Roschdy m’a suivi pendant une journée alors que j’étais de permanence en comparutions immédiates. »

- : « Le film dénonce t-il un système ? »

Hannelore Cayre : « Oui, le manque cruel de moyens dans un domaine aussi crucial que la justice. J’espère, même si cela n’est pas directement le sujet, que cela apparaît en filigrane dans le film. »

- : « Parlons de Maître Marsac (Jean-Philippe Ecoffey) ou de la jeune juge d’instruction Garance Leclerc (Sophie Guillemin)... »

Hannelore Cayre : « Marsac incarne la réussite pénale. C’est un homme heureux, appartenant à l’ultralibéralisme décomplexé. Il se gave. Qu’est ce que Jean-Philippe Ecoffey l’incarne bien, lui, l’altermondialiste qui n’allume même pas le chauffage en hiver parce qu’il est contre le nucléaire! Pour moi c’est une star. Pour la juge d’instruction, je voulais montrer l’ingénuité désarmante de certaines jeunes magistrates. »

- : « Ne craignez-vous pas le regard de vos pairs avec un tel sujet ? »

Hannelore Cayre : « Non. Je dirais même le contraire. Car ceux qui font le même métier que moi vont, je pense, être plutôt satisfait de la manière dont je montre la profession. Je ne mens pas. Je ne triche pas. Je montre enfin le métier tel qu’il est, avec ses paradoxes. »

- : « Vous citez à plusieurs reprises Flaubert et plus particulièrement L’Education sentimentale dans votre film. Pourquoi ? »

Hannelore Cayre : « J’aime beaucoup ce livre et Flaubert en général. Il représente l’écrivain du rêve et de l’échec. On pourrait résumer toute son oeuvre dans la phrase : la déception est à la hauteur de l’espérance. Quand j’ai commencé à écrire Commis d’office, je me suis souvenu du début de l’Éducation sentimentale : Il trouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir. Elle incarne parfaitement le métier d’avocat avec ses espérances ; toutes ces veuves et ces orphelins qu’on va défendre et qu’on ne défend jamais…  Quelle désillusion ! »

- : « Le film s’ouvre sur cette phrase Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, humanité… . Quelle est la valeur de ce serment pour vous aujourd’hui ? »

Hannelore Cayre : « Aujourd’hui, l’argent est venu pourrir le serment. La défense des libertés publiques passe en premier lieu par des honoraires décents. L’attrait pour l’argent par nombre de mes confrères fait que les pauvres gens n’ont plus les moyens de prendre un avocat pour défendre leurs droits. »

- : « Avez-vous opté pour un parti pris de mise en scène ? »

Hannelore Cayre : « Ce qui m’a beaucoup aidé dans la mise en scène, c’est que les gestes quotidiens, je les connais, je les pratique. Comme nous n’avions que six semaines de tournage prévues et seulement quelques jours dans le palais de Justice, je devais donc préparer le découpage minutieusement. Cela dit, j’ai appris beaucoup de chose de Roschdy qui est, faut-il le rappeler, un réalisateur. »

- : « Vous avez écrit deux autres livres où l’on suit votre personnage (Toiles de maitres et Ground xo). Ces ouvrages pourraient-ils à leur tour donner lieu à des films ? »

Hannelore Cayre : « Tout dépend du résultat du premier. Même si on me sollicite pour écrire. Si ça marche, j’en ferai un autre. Mais pas forcément une histoire dans le milieu des avocats. Les droits de Ground xo intéressent fortement une comédienne qui veut les acheter. C’est vrai que ce livre est très cinématographique. On plonge dans l’univers du rap et du cognac. On verra bien. Il est vrai que j’ai des histoires en stock, mais toutes ne passeront peut-être pas par l’étape cinéma. Le livre reste pour moi une étape essentielle à l’approfondissement d’un sujet. »


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Fiche technique
Scénario et réalisation : Hannelore Cayre
Directeur de la photographie : Benoît Chamaillard
Mixage : Gildas Mercier
Musique : Charlie Nguyen KIM du groupe The Kim
Chants : Mathieu Laly et Hugo Laly du groupe Les Rappeurs Juniors
Chef décoratrice : Marie-Hélène Sulmoni
Costumière : Virginie Alba
Ingénieurs du son : Pascal Armant et Philippe Lecocq
Montage : Lisa Pfeiffer
Producteur : Dolce Vita Films
Producteurs délégués : Marc Irmer et Nathalie Irmer
Coproducteurs : Bac Films , Arte France Cinéma et Rhônes Alpes Cinéma

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à Clément Argouarch
logos & textes © www.bacfilms.com
photos © Raphaël Schot & Michaël Crotto - Dolce Vita Films 2008

Publié dans PRÉSENTATIONS

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