* Mariage à l’islandaise

Mariage à l’islandaise comédie de Valdís Óskarsdóttir


avec :
Herdís Porvaldsdóttir, Nína Dögg Filippusdóttir, Pröstur Leó Gunnarsson, Jörn Hlynur Haraldsson, Kristbjörg Kjeld, Theodór Júlíusson, Ágústa Eva Erlendsdóttir, Nanna Kristín Magnúsdóttir, Hanna María Karlsdóttir, Sigurdur Sigurjónsson, Rúnar Freyr Gíslason, Ólafur Darri Ólafsson, Árni Peåltur Gudjónsson, Víkingur Kristjánsson, Erlendur Eiríksson, Ingvar E. Sigurdsson, Karl J. Gudmundsson et Gísli Örn Gardarsson
durée : 1h35
sortie le 3 juin 2009
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Synopsis
Le plus beau jour de leur vie ?
Peut-être pas pour les futurs mariés, Inga et Bardi, qui, le jour j à quelques heures de la cérémonie, se retrouvent chacun dans un bus, coincés avec leur famille respective à des kilomètres de Reykjavík. Entre les vieilles rancoeurs et les nouvelles inimitiés, les invités donnent le tempo.
Quant à l’église de campagne réservée pour l’occasion, nulle trace à l’horizon. Les futurs époux sont au bord de la crise de nerfs. Et le périple ne fait que commencer…

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Entretien avec Valdís Óskarsdóttir
- : « Au début du film, il y a dans la chanson qui l’accompagne cette phrase qui pourrait résumer votre démarche : Nous sommes tous fous amoureux de notre imagination… »
Valdís Óskarsdóttir : « Cela me correspond et cela parle aussi de mes personnages : l’imaginaire est ce qui permet de transcender l’image que nous avons de notre existence et de pouvoir l’infléchir. Le film parle aussi du fait que l’on choisit toujours ses amis, jamais sa famille : lorsque n’importe qui est invité, ou se force à venir, à une fête familiale, il joue un ro^le social et porte un masque. Mais, plus la fête est longue, plus le masque a des chances de se désagréger ! La comédie est un formidable vecteur pour transcrire tout cela, mais dangereux à manier. Par exemple, l’identification aux personnages peut être anéantie par un acteur qui surjoue. J’avais une idée fixe sur le tournage : que les situations soient drôles pour un observateur extérieur et absolument terribles pour les personnages impliqués. »
- : « Est-ce que dans ce périple à travers une Islande labyrinthique, vous vous inscrivez dans le genre cinématographique du road movie ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Pas vraiment. Ce type de voyage pour les mariés, je ne l’ai pas inventé pour le film. C’est une tradition, notamment pour les habitants de Reykjavík, d’aller se marier à la campagne puis de revenir en ville faire la fête… Lorsque j’ai écrit le synopsis, deux idées m’ont guidée : celle d’un couple qui quitte une grande ville pour célébrer son union, et celle de les perdre en cours de route. J’ai moi-même été invitée à ce genre de mariage typiquement islandais et j’ai souvent entendu à la radio des faits-divers incongrus, notamment à propos de cérémonies ayant dégénéré à cause d’un prêtre campagnard jugé inepte. »
- : « Y a-t-il eu un événement particulier qui vous a poussée à prendre la plume, après avoir été monteuse pendant des années ? »
Valdís Óskarsdóttir : « C’est curieux, parce que j’étais chez moi, en Islande ; j’écoutais la musique du film d’Emir Kusturica, Chat noir, chat blanc et je me suis immédiatement mise à écrire le synopsis de ce qui allait devenir Mariage à l’islandaise. Je ne passe pas un jour sans écouter de la musique : elle rythme mon quotidien, mon humeur et nourrit mon imagination. »
- : « On retrouve au détour de certaines scènes cette propension au dérapage iconoclaste cher à Emir Kusturica… »
Valdís Óskarsdóttir : « Je suis l’une de ses admiratrices. C’est vrai que sa musique est tourbillonnante, pleine de vie, mais je ne pensais à rien en écrivant ce synopsis : je ne savais même pas si le ton serait comique ou plus grave. Tout ce que je ressentais c’était la nécessité, presque l’obligation, d’écrire enfin pour moi, après toute une carrière dans le montage. »

- : « Ce qui est inhabituel et plutôt osé pour un premier film, c’est l’utilisation du synopsis comme seule base scénaristique, de la préproduction jusqu’au tournage… »
Valdís Óskarsdóttir : « C’est peut-être singulier, mais pas extravagant. J’ai commencé par faire des repérages pour trouver des lieux qui m’inspiraient. Ils ont aussi contribué au développement du récit, avant que je n’aille à la rencontre de la troupe de théâtre d’avant-garde Vesturport. Ces comédiens sont connus pour leur goût du défi : non seulement ils ont joué en Islande et à l’étranger des classiques comme Roméo et Juliette ou La métamorphose, mais ils ont aussi tourné ensemble un film en deux volets, Children et Parents, qui était totalement improvisé. J’ai commencé par approcher Gisli Orn, qui joue l’ami du marié, Ingvar E. Sigurdsson, l’acteur principal de Jar city qui interprète ici le prêtre, et Nina Dögg, la meilleure amie de la mariée, en leur expliquant que j’écrirai un bref descriptif de chaque scène mais qu’il n’y aurait pas de scénario au sens classique. Tous les dialogues seraient donc improvisés… et ils ne m’ont pas prise pour une folle (rires). »
- : « Qu’est-ce qui les motivait à tenter une telle expérience ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Le goût du risque… calculé, puisqu’ils n’étaient pas novices dans ce domaine. Ils m’ont encouragée à aller jusqu’au bout de ma démarche, en leur laissant le choix du personnage à incarner et l’opportunité d’en imaginer eux-mêmes le vécu et la personnalité. Quelques acteurs d’autres horizons sont venus compléter la distribution, mais je tenais la clé de voûte de mon projet : j’avais la famille dont je rêvais et qui est au coeur même du film. Nous nous sommes réunis deux ou trois fois, mais l’essentiel du travail d’acteur s’est déroulé ailleurs, puisque chacun ramenait ses devoirs à la maison ! »
- : « Pourquoi avoir voulu impliquer à ce point les comédiens dans le processus d’écriture ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Je trouve cela à la fois excitant et créatif pour tous. On oublie trop souvent que le cinéma est un travail d’équipe et j’ai poussé cette logique jusqu’à son point ultime. J’ai expliqué à chacun la substance de chaque scène, je leur ai donné les photos des lieux que j’avais choisis, j’ai décrit la dynamique des personnages : en somme, des choses basiques, concrètes, comme un cadre souple à l’intérieur duquel tous allaient pouvoir se lâcher… »
- : « Les comédiens ont-ils tous vécu sereinement cet exercice sans filet ? »
Valdís Óskarsdóttir : « La plupart, oui. Ils se sont très vite mis à échanger sur leurs personnages, à élaborer les interactions que j’attendais. Certains se sont parfois braqués, en croyant qu’ils seraient incapables d’improviser, mais la pratique leur a démontré le contraire. Je n’ai fait que quelques rares entorses à cette règle, par exemple pour certaines scènes avec Herdis qui interprète la grand-mère… Dès le départ, il était clair que chacun devait non pas interpréter un rôle mais être le personnage. Je ne voulais pas de composition ou de performance : le réalisme devait être de tous les visages, de tous les plans. Dans la vie, personne ne peut programmer à l’avance ses réactions face aux événements et c’est précisément dans cet état d’esprit que j’ai travaillé avec les acteurs. »
- : « Quels éléments du récit aviez-vous choisi de ne pas leur révéler ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Pour que la spontanéité et le naturel soient optimums, j’ai décidé que chacun des personnages clé devait avoir un secret et que celui-ci ne serait pas connu des autres avant révélation. Par exemple, Stefan présente à tout le monde son petit ami comme un psy alors qu’il est en réalité historien : aucun des acteurs ne le savait et ils ont tous improvisé sur la base de ce mensonge. Il s’est passé la même chose pour l’histoire de paternité qui explose vers la fin du film : ni la jeune fille, ni le vrai père de celle-ci n’étaient au courant de ce rebondissement (rires). »
- : « Est-ce que la très courte durée de tournage - sept jours - a facilité ou parfois compliqué l’alchimie que vous recherchiez ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Cette donnée temporelle était essentielle, parce que cela impliquait une confiance totale et réciproque, plus une présence, au sens fort du terme, de tous les instants. Il y avait en permanence quatre caméras en mouvement et tout pouvait aller très vite : par exemple, la scène d’introduction, à l’entrée de la maison de la future mariée, a nécessité quatre ou cinq prises mais, chaque fois, en un seul plan. Je me suis également passée de combo et je n’ai jamais visionné les rushes du jour. Je voulais être au coeur de l’action, regarder les acteurs, les écouter pour être capable d’infléchir de manière pertinente les directions empruntées. »

- : « Est-ce que l’improvisation a parfois dépassé vos attentes ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Sincèrement, il nous est arrivé souvent, en plein milieu du tournage, de nous arrêter à cause des fous rires. Comme j’avais expliqué à tout le monde le sens général des scènes sans préciser comment l’exprimer, j’ai eu des surprises, comme lorsque une dispute verbale dégénère en bagarre. Beaucoup d’acteurs ont aussi réglé leur compte avec des membres de leur famille en clamant face caméra ce qu’ils n’avaient jamais osé leur dire ! C’était drôle et rafraîchissant… »
- : « … Et pouvait tenir lieu de thérapie de groupe ! »
Valdís Óskarsdóttir : « (rires) On peut le voir sous cet angle aussi… Lorsque nous tournions de longues scènes en continu, comme celle de l’arrivée à la mauvaise église qui dure quinze minutes, les acteurs ne savaient pas quand les caméras étaient sur eux ; ils devaient donc jouer à tout instant et le résultat a pu être… surprenant. Thomas Vinterberg avait filmé Festen de la même facon et en montant son film, j’avais trouvé le procédé fascinant. J’ai aussi choisi de tourner Mariage à l’islandaise dans l’ordre chronologique : cela s’imposait par rapport au travail d’improvisation dans la durée et à l’effet de surprise. »
- : « En tant que spectateur, l’illusion d’un scénario et de dialogues millimétrés est totale… »
Valdís Óskarsdóttir : « Ce sont les acteurs qui ont fait la plus grande partie du travail, pas moi… D’ailleurs, je pense que la plupart ne croyaient pas forcément que le film sortirait en salles ; ils devaient penser qu’on le projetterait peut-être un jour dans un musée, à titre expérimental (rires). Avec le recul, ce film tient pour moi du miracle. »
- : « Lorsque les deux bus se perdent à la recherche de la fameuse église, l’un des participants s’exclame : Personne ne peut aller nulle part sur cette satanée île ! … »
Valdís Óskarsdóttir : « C’est une phrase de mon cru. En Islande, vous pouvez rapidement vous sentir pris au piège, parce que vos choix de destination sont limités : la seule chose qui vous est permise est de sillonner le pays. Au cours de mes études, j’ai souvent éprouvé ce sentiment et lorsque c’est encore le cas aujourd’hui, surtout en hiver, je file à l’étranger. C’est après avoir voyagé aux quatre coins du globe que j’ai fini par apprécier mon pays. »
- : « Tous les invités ont un grain ou de sérieux problèmes existentiels : est-ce propre à l’insularité, voire aux Islandais ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Ca n’est pas forcément ce que j’avais en tête et il ne faut pas croire que les Islandais sont tous des fous furieux (rires). Tout s’est révélé au fil des jours, des rencontres, de l’interaction créée entre les acteurs et leurs personnages. Par exemple, j’ai demandé à Ólafur Darri qui joue Elvis, l’ami de Lara, s’il se voyait finir avec elle à la fin du film, et lui m’a spontanément répondu : Pitié, tout sauf elle ! J’avais prévu l’essentiel des conflits, mais les acteurs ont souvent été plus loin, ce qui explique qu’à l’écran ils ont presque tous leur moment de folie ou d’extériorisation un peu extrême. L’humour naît de ces réactions finalement très humaines et universelles. »
- : « Le montage vous a-t-il procuré le même plaisir que celui éprouvé sur des films réalisés par d’autres, comme Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Festen, Le Nouveau Monde ou encore À la rencontre de Forrester ? »
Valdís Óskarsdóttir : « Au départ, je ne voulais pas monter mon propre film. J’en avais confié le soin à quelqu’un d’autre mais comme il a dû y renoncer, je suis revenue sur ma décision et j’ai passé huit mois en salle de montage. J’ai eu la chance de travailler avec des réalisateurs qui partageaient la même foi que moi, comme Michel Gondry, Harmony Korine, Gus Van Sant et surtout Thomas Vinteberg dont j’ai beaucoup appris sur Festen, mais le plaisir de monter Mariage à l’islandaise était cette fois différent. Je sortais d’une expérience douloureuse sur deux films américains. Cela m’a quasiment dégoûtée du montage, qui était pourtant ma passion. Je ne voulais plus être traitée comme une exécutante, ou comme si je ne connaissais pas mon métier. Avec le recul, je pense que j’avais besoin d’un choc comme celui-là pour me lancer dans un projet personnel. »
- : « Pourtant, vous en parlez aujourd’hui davantage comme un projet de groupe… »
Valdís Óskarsdóttir : « Je l’ai toujours concu et vécu comme un film d’équipe. A l’écran, il n’y a pas non plus de personnage principal : je voulais que tous existent par eux-mêmes et dans le regard des autres. Lors du tournage, personne n’était plus le patron qu’un autre et je n’ai imposé aucune hiérarchie. Durant toutes les années où j’ai travaillé comme monteuse, j’ai vu trop de films identifiés au seul réalisateur, lors de leur sortie en salles. Reléguer l’équipe technique, parfois même les acteurs s’ils sont inconnus, aux oubliettes m’a toujours exaspérée. J’ai d’ailleurs l’intention de travailler selon les mêmes principes dans mon prochain film : le synopsis est déjà écrit, je vais reprendre la même troupe d’acteurs, les impliquer dans l’écriture et recourir à l’improvisation. »

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Fiche technique
Réalisatrice : Valdís Óskarsdóttir
Scénario : Valdís Óskarsdóttir et les comédiens
Musique : The Tiger Lillies
Mixage : Kjartan Kjartansson et Ingvar Lundberg
Studio de mixage : Bíóhljód Ehf. / Cinema Sound
Montage : Valdís Óskarsdóttir
Photographie : Anthony Dod Mantle
Image : Björn Helgason
Etalonnage : Post Reykjavik et Hypercube
Producteurs : Davíd Óskar Ólafsson, Gudrún Eddathórhannesdóttir, Árni Filippusson et Hreinn Beck
Producteurs délégués : Elfar Adalsteinsson, Anna María Pitt, Steingrímur Wernersson, Davíd Kristján Pitt, Ragnar Thórisson et Hjördís Árnadóttir
Coproducteur : Jim Stark
Coproducteurs délégués : Wouter Barendrecht et Michael J. Werner
Directeur de post-production : Sigvaldi J. Kárason
Ventes Internationales : Fortissimo Films
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présentation réalisée avec l'aimable autorisation de
remerciements à Sonia Rastello et Pierre-Benoît Cherer
remerciements à Sonia Rastello et Pierre-Benoît Cherer
logos, textes & photos © www.memento-films.com