* Etreintes brisées

Etreintes brisées drame de Pedro Almodóvar




avec :
Penélope Cruz, Blanca Portillo, Lluis Homar, Jose Luis Gomez, Ruben Ochandiano, Tamar Novas, Kiti Manver, Lola Dueñas, Lola Dueñas, Angela Molina, Mariola Fuentes, Carmen Machi, Chus Lampreave, Rossy de Palma, Kira Miro, Alejo Sauras, Ramón Pons, Chema Ruiz et Asier Etxeandia
durée : 2h09
sortie le 20 mai 2009
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Synopsis
Dans l'obscurité, un homme écrit, vit et aime. Quatorze ans auparavant, il a eu un violent accident de voiture dans l'île de Lanzarote. Dans l'accident, il a non seulement perdu la vue mais aussi Lena, la femme de sa vie.
Cet homme utilise deux noms : Harry Caine, pseudonyme ludique sous lequel il signe ses travaux littéraires, ses récits et scénarios ; et Mateo Blanco, qui est son nom de baptême, sous lequel il vit et signe les films qu'il réalise. Après l'accident, Mateo Blanco n'est plus que son pseudonyme, Harry Caine. Dans la mesure où il ne peut plus faire de films, il s'impose de survivre avec l'idée que Mateo Blanco est mort à Lanzarote aux côtés de sa Lena adorée.
Aujourd'hui, Harry Caine vit grâce aux scénarios qu'il écrit, et avec l'aide de son ancienne et fidèle directrice de production, Judit García, et du fils de Judit, Diego, qui fait office de secrétaire, dactylo et guide d'aveugle.
Depuis qu'il a décidé de vivre et de raconter des histoires, Harry est un aveugle actif et attractif qui a développé tous ses autres sens pour jouir de la vie, sur fond d'ironie et dans une amnésie volontaire. Il a effacé de sa biographie toute trace de son identité d'origine, celle de Mateo Blanco.
Une nuit, Diego a un accident et Harry s'occupe du garçon (sa mère, Judit, se trouve loin de Madrid et ils décident de ne rien lui dire, pour ne pas l'inquiéter). Pendant les premières nuits de sa convalescence, Diego demande à Harry de lui parler de l'époque où il se nommait Mateo Blanco. Après un moment d'étonnement, Harry y consent et raconte à Diego ce qui s'est passé quatorze ans auparavant avec l'intention de le distraire, comme un père dirait un conte à son enfant pour l'endormir. L'histoire de Mateo, Lena, Judit et Ernesto Martel est une histoire d'amour fou, dominée par la fatalité, la jalousie, l'abus de pouvoir, la trahison et le sentiment de culpabilité. Une histoire émouvante et terrible dont l'image la plus éloquente est la photo de deux amants enlacés déchirée en mille morceaux.

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Le titre
Les deux protagonistes, réfugiés dans un bungalow de la plage de Famara à flanc de colline et face à la mer, allongés et enlacés sur un canapé, regardent sur un petit téléviseur Voyage en Italie de Rossellini (dont le titre espagnol Te querré siempre se traduit par Je t’aimerai toujours). Le film raconte l’effondrement d’un couple d’Américains – interprété par Ingrid Bergman et George Sanders – lors d’un séjour touristique en Italie. Sur le petit écran, on voit une scène où Ingrid Bergman et George Sanders visitent le site de Pompéi au moment où on est en train d’exhumer avec précaution des vestiges de la cité antique, ensevelie sous les cendres du Vésuve deux mille ans auparavant. Sanders et Bergman sont témoins de la découverte, par les hommes qui font les fouilles, des corps d’un homme et d’une femme qui gisaient l’un à côté de l’autre (« peut-être mari et femme », souligne l’archéologue), immortalisés par la lave dans leur sommeil. Ingrid Bergman est bouleversée par cette image et s’éloigne de quelques mètres, submergée par l’émotion. L’amour devenu éternel de ce couple millénaire lui fait penser au délitement et à la mesquinerie de son propre couple. Et elle ne peut s’empêcher d’éclater en sanglots. C’est une scène simple, pas du tout rhétorique, directe et profondément émouvante. Après l’avoir vue à la télévision, Lena (Penélope Cruz) blottit son visage contre la poitrine de son amant (Lluís Homar), bouleversée comme Ingrid Bergman, à ceci près que Lena, elle, est solidement enlacée à la personne qu’elle aime. Elle se dit qu’elle voudrait bien mourir ainsi, son corps se confondant avec celui de Mateo dans une étreinte éternelle. Mateo devine ce désir très vif de Lena. Il se lève du canapé, règle son appareil photo et active la fonction automatique du retardateur. Il retourne près de Lena, la serre fort dans ses bras, les deux regardent l’appareil jusqu’à ce que le flash immortalise leur étreinte, comme la lavedu volcan dans le film de Rossellini. Mais, à l’opposé de ce qui arrive dans le film italien, leur étreinte à eux ne sera pas éternelle. Quelques semaines plus tard, quelqu’un va déchirer cette photo et bien d’autres encore.

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Le montage
Dans la trame d’Étreintes brisées, l’importance du montage fait partie du ressort dramatique, tout comme sa relation directe avec le réalisateur, ainsi que la fragilité de l’oeuvre quand une tierce personne s’interpose entre le montage et le réalisateur. Le montage est à l’origine de la narration, c’est la narration cinématographique proprement dite. J’ai monté mes seize premiers films sur une moviola. Je rends ainsi hommage à cette machine – si intimement liée à ma filmographie – et à tous les matériels magnétiques et photographiques qui ont été évincés des salles de montage par les nouvelles technologies. Ce n’est pas un hasard qu’apparaisse un gros plan du noyau d’une bobine qui se rembobine frénétiquement, et que cette image s’enchaîne avec celle de Mateo dévalant rapidement l’escalier du studio. Ces deux mouvements se déroulent au même rythme et dans le même sens. Tous deux ont le même axe et la passion qui les pousse est la même. Mais je ne veux pas être nostalgique, je ne veux surtout pas que la nostalgie me paralyse. Je suis prêt à embrasser les nouvelles technologies, à l’instar de Mateo qui embrasse sur le téléviseur le baiser agrandi numériquement et qui apparaît totalement brisé sur l’écran. Justement, c’est le clignotement dû à la pixellisation qui rend l’image si forte.

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Déclaration d'amour
Le cinéma joue un rôle très important dans tous mes films, ma démarche n’est pas celle d’un élève qui rend hommage à ses pères réalisateurs, je ne fais pas de film « à la manière de ». Quand un auteur ou un film apparaît dans mon cinéma, c’est d’une façon plus active que le simple hommage ou un clin d’oeil au spectateur. Je pourrais donner de nombreux exemples. Lorsque Carmen Maura, dans Femmes au bord de la crise de nerfs, doit doubler une scène de Johnny Guitar, je ne rends pas hommage à Joan Crawford ni à Sterling Hayden, pas même à Nicholas Ray, un des réalisateurs que je considère comme essentiels. Je me sers de sa merveilleuse et déchirante scène d’amour (« Mens-moi et dis-moi que tu m’aimes encore, comme je t’aime moi-même ») pour souligner la solitude et le sentiment d’abandon du personnage. Carmen (Pepa) est comédienne de doublage, son amant Iván fait le même métier. Ce matin-là, il n’est pas auprès d’elle pour doubler Sterling Hayden comme convenu, parce qu’ils ont rompu et qu’il l’évite. Iván est allé au studio avant elle pour ne pas la croiser, il a déjà enregistré sa partie seul, sur une piste séparée. Pepa doit alors écouter la voix de son partenaire au casque et caler ses propres répliques. Elle ne pourra plus jamais entendre des mots d’amour directement de la bouche d’Iván, elle ne pourra les entendre que par le biais d’un casque dans un studio d’enregistrement. Sa solitude et son sentiment d’abandon sont plus patents à travers la célèbre scène de Johnny Guitar. Parfois le meilleur moyen pour moi de montrer les sentiments des personnages est de le faire en utilisant le cinéma lui-même, me servant des mots que d’autres auteurs ont écrits avant moi. Dans Talons aiguilles, Victoria Abril et Marisa Paredes discutent dans une salle de tribunal. Marisa, la mère-vedette, est horrifiée et n’en revient pas que sa fille se soit accusée elle-même en public, dans le journal télévisé qu’elle présente, d’avoir tué son mari (qui était aussi l’amant de la mère). Pour expliquer à sa mère ce qu’elle ressent par rapport à elle depuis son enfance, Victoria lui raconte une scène de Sonate d’automne, dans laquelle Liv Ullman reçoit la visite inhabituelle de sa mère, pianiste célèbre, et joue une sonate pour lui être agréable et en son honneur. La mère (Ingrid Bergman) la remercie sans effusion, tout en s’asseyant au piano et en lui expliquant comment aborder l’interprétation de cette sonate. Cette démonstration est la plus grande humiliation que la mère puisse infliger à sa fille dont elle a écrasé la personnalité devenue insignifiante. J’aurais pu dire que je rendais hommage à Bergman, un de mes cinq réalisateurs clés, mais ce n’est pas le cas (la grande émotion que j’ai ressentie quand on a mis en scène à Stockholm la version théâtrale de Tout sur ma mère n’a rien à voir avec ma vanité, mais avec le fait qu’elle a été montée dans la langue de Bergman). Quand Victoria Abril raconte la scène à Marisa Paredes, elle se sent aussi insignifiante et humiliée que Liv Ullman. Elle finit par reconnaître que si elle s’est accusée publiquement à la télévision d’avoir assassiné son mari, ce n’est pas seulement pour couvrir sa mère, qui est l’auteur du crime, mais pour attirer son attention. Pour lui signifier, par ce geste démesuré, jusqu’à quel point elle l’aimait. Dans Étreintes brisées aussi, je me sers de la simplicité limpide de Voyage en Italie de Rossellini pour montrer l’effet que produit chez Lena Penélope la découverte du couple calciné à Pompéi deux mille ans auparavant. Je me rends compte que c’est la première fois que je fais une déclaration d’amour aussi explicite au cinéma ; pas dans une séquence en particulier, mais tout au long d’un film. Au cinéma, à ses éléments matériels, aux personnes qui se démènent autour des projecteurs, aux acteurs, monteurs, narrateurs, à ceux qui écrivent, aux écrans sur lesquels on visionne les images qui donnent vie aux intrigues et aux émotions. Aux films tels qu’ils ont été faits au moment où ils ont été faits. À un métier qui, bien qu’il permette d’en vivre, n’est pas seulement une profession mais une passion irrationnelle.

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Fiche technique
Réalisateur : Pedro Almodóvar
Scénariste : Pedro Almodóvar
Directeur de la photographie : Rodrigo Prieto
1er assistant réalisateur : Guillermo Escribano
2ème assistant réalisateur : Daniel Rivero
Compositeur : Alberto Iglesias
Monteur son : Pelayo Gutiérrez
Mixage : Marc Orts
Chef décorateur : Antxón Gómez
Costumière : Sonia Grande
Coiffeur : Maximo Gattabrusi
Maquilleuse : Ana Lozano
Ingénieur du son : Miguel Rejas
Directeur du casting : Luis San Narciso
Scripte : Yuyi Benringola
Producteur : Esther Garcia
Producteur exécutif : Agustin Almodovar
Production : El Deseo S.A. (Espagne)
Directeurs de production : Toni Novella et Sergio Diaz
Distribution : Pathé Distribution
Attachées de presse : Alexandra Schamis et Sandra Cornevaux
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logos & textes © www.pathedistribution.com
photos © Paola Ardizzoni et Emilio Pereda
photos © Paola Ardizzoni et Emilio Pereda