* Diamant 13
Diamant 13 policier de Gilles Béat
avec :
Gérard Depardieu, Olivier Marchal, Asia Argento, Anne Coesens, Aïssa Maïga, Catherine Marchal, Erick Deshors, Frédéric Frenay, Jean-François Wolff, Patrick Hastert, Aurélien Recoing, Gérald Marti, Sacha Kremer, Frédéric Lubansu, Marc Zinga, Corentin Lobet, Laetitia Reva, Jean-Michel Vovk, Benoît Verhaert, Yves Degen, Valérie Bodson et Max Thommes
durée : 1h40
sortie le 21 janvier 2009
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Synopsis
Mat est flic à la 13eme division nuit de la police criminelle. Personnage insubmersible et solitaire, attiré par les abysses, hanté par ses fantômes, Mat a depuis longtemps perdu l’illusion que la vie est peut-être ailleurs… Jusqu’au jour où son destin bascule sur un coup de fil de son vieil ami Franck, qui lui propose un plan. Le plan. Un détournement d’argent sale et facile, un coup forcément parfait. Tellement parfait que Mat se retrouve bientôt obligé de démonter, entouré d’un carré de dames qui vont de pique à coeur, les rouages d’un système corrompu qui coûtera la vie de son seul et unique ami.
Jeunes ou vieux, les protagonistes de Better things font l’expérience de l’engagement sentimental et de la difficulté d’aimer. Chacun cherche sa voie gérant au mieux ses peurs et ses doutes face à l’avenir.
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Entretien croisé entre le réalisateur, Gilles Béat et l’auteur, Hugues Pagan
Grégory Alexandre : « Gilles Béat, «Diamant 13» est votre retour au cinéma depuis dix-sept ans. Et c’est avec un film noir, très noir même, nébuleux et atmosphérique… C’était essentiel pour vous de revenir avec cette adaptation de «L’Etage des Morts», un roman de votre ami Hugues Pagan ? »
Gilles Béat : « Oui. C’était le sujet auquel je tenais le plus, même si j’étais bien conscient que le polar français au cinéma fonctionnait, malheureusement, depuis un certain nombre d’années, sur un récit bien ficelé, où tout est très bien raconté. Il y a eu une époque incroyable où se sont succédés Melville, Enrico, Deray, trois cinéastes que j’affectionne particulièrement, et puis, brusquement, parce qu’il y a eu «Julie Lescaut» ou «Navarro» à la télé, c’est devenu le comble de la vulgarité que de faire du polar au cinéma. Ce qui est absurde, parce que les Américains, eux, démontrent que ce complexe n’a pas lieu d’être : ils envoient à la fois de la série policière et des grands polars de cinéma. Je n’ai jamais pensé, comme beaucoup, que les spectateurs français se sont un jour lassés du polar. La preuve : ils allaient toujours voir du polar américain. Disons qu’il n’y avait peut-être plus les réalisateurs ou les acteurs qu’il fallait, ou que la bonne connexion entre scénaristes, réalisateurs et acteurs avait été rompue. C’est vrai aussi qu’il y a eu toute une période où les acteurs français répugnaient eux-mêmes à l’idée d’apparaître à l’écran avec un flingue à la main. Les Américains n’ont aucun problème avec ça parce que c’est dans leur culture. Et ils n’ont pas l’air idiot avec un flingue. Je pense donc qu’il faut aujourd’hui remercier des gens comme Olivier Marchal ou Frédéric Schoendoerffer, qui ont contribué à la renaissance du genre, qui sont venus le réveiller sans que ce soit «vulgaire». »
Grégory Alexandre : « Hugues Pagan, vous souvenez-vous de votre état d’esprit quand vous avez écrit «L’Etage des Morts», à la fin des années 80 ? »
Hugues Pagan : « Oui, très bien, et c’est tout simple. Il s’agissait d’une histoire réelle, fondée sur des faits réels. Aussi bizarre que cela puisse paraître. Mais l’arrière-plan de corruption ou de pouvoir, qui peuvent sembler caricaturaux à de jeunes esprits impétueux, est tout à fait réaliste. Au départ il y a eu un problème qui est arrivé à un de mes collègues et rares amis, et quand on gratte la surface des choses, on se rend compte que derrière, ce n’est pas forcément toujours racontable. Enfin ça l’est, la preuve, mais sous une forme romancée, parce que je ne suis ni documentariste ni journaliste. »
Grégory Alexandre : « Le livre et le film - et c’est l’un des thèmes classiques du polar - montrent qu’il n’y a pas de barrière entre le Bien et le Mal, qu’on est souvent dans une zone… »
Gilles Béat : « …une zone impossible à définir ! (rires) »
Hugues Pagan : « On parlait de caricature, mais ce n’est pas vrai que le polar est caricatural. C’est la vie elle-même, l’existence qui le sont. Et dans ces caricatures du noir et du blanc il y a trois stades : le noir, le blanc... et la ligne jaune. Depuis que j’ai commencé à écrire, en 1981, j’ai toujours stationné sur cette ligne jaune. Ce qui est aussi un stéréotype, d’une certaine manière. Là, je vais prononcer un mot un peu «vilain» pour beaucoup de monde, et je m’en excuse par avance, mais parlons d’ambiguïté. J’ai réellement été policier, pendant vingt-quatre ans. Et ce que j’ai appris, c’est que c’est noir ou blanc uniquement en garde à vue. Le reste du temps, on est toujours entre les deux. Pour ce policier corrompu qu’est Franck, quand on regarde sa trajectoire, comment cela s’est passé pour lui, quelque part c’est vous et moi, c’est nous tous. »
Grégory Alexandre : « Mat - joué par Gérard Depardieu - est moins ambigu. On a l’impression que c’est un personnage qui cherche depuis toujours son territoire… »
Gilles Béat : « Je suis d’accord pour dire que Mat est moins ambigu que Franck, mais pas parce qu’il cherche son territoire. C’est juste parce qu’il a décidé de rester «en bas». Il a eu son lot d’ambiguïté avec l’affaire Maretti, dans laquelle il s’est mouillé, mais au lieu de faire ce qu’a fait Franck, ou ce que va faire Calhoune, c’est-à-dire grimper dans la hiérarchie policière et forcément dans l’ambiguïté avec les «gros voyous», lui a décidé de faire le travail du flic de base, la nuit : aller ramasser des gars qui se sont tués sur l’autoroute, chercher et convaincre une petite nana de renoncer à se jeter du haut d’un pylône… «Rien que de la grande police» - comme dit son collaborateur. »
Hugues Pagan : « Mais il y a autre chose dans ce personnage de Mat. Il a fallu, pour des motifs de production, qu’on lui donne un nom. Dans les livres où il apparait, Mat n’en a pas. Mais il a un trait de caractère, que ce soit dans «L’Etage des Morts» ou dans «Tarif de Groupe», c’est que c’est quelqu’un d’intraitable. C’est comme un grand résistant. Il est incorruptible pas par principe, mais parce qu’il est passé au-delà. »
Gilles Béat : « D’ailleurs le personnage de la journaliste, joué par Catherine Marchal, le lui dit : «Tu es le seul mec fréquentable de cette ville.» »
Grégory Alexandre : « Cette incorruptibilité le rend extrêmement malheureux… »
Gilles Béat : « Surtout, elle en a fait quelqu’un de très seul. Ce n’est pas parce qu’il a sa collègue, Léon, que l’on peut supposer être une amie, qu’il n’est pas un homme extraordinairement seul. »
Hugues Pagan : « D’ailleurs, je ne pense même pas que Léon et Mat soient amis. »
Grégory Alexandre : « Pour l’adaptation du roman, vous étiez-vous fixé des contraintes, des limites et des obligations ? »
Gilles Béat : « C’est une longue histoire… En fait, «Diamant 13» est un projet qui date quasiment de la sortie du roman, il y a dix-huit ans, époque à laquelle j’ai rencontré Hugues, qui était encore «en exercice» puisqu’il a quitté la police en 1997. J’ai toujours été fasciné par cet univers noir, mais d’abord et avant tout, par le cinéma de genre. Ce n’est pas pour rien que j’ai fait des films comme «Rue Barbare», d’après David Goodis, ou «Urgence». Et si, pendant dix-sept ans, j’ai fait de la télévision, c’est parce que je n’ai pas réussi à monter des films comme ceux qu’Olivier Marchal a fini par réussir à faire. Je suis très lié à Olivier, donc je vais dire ceci sans amertume aucune, mais je pense qu’il a pu réussir à faire «Gangsters» parce que d’une certaine manière, son passé de flic légitimait ce film vis-àvis du système de production tel qu’il était devenu. Hugues et moi, nous avons commencé par une première adaptation assez proche du bouquin. Bien évidemment, il avait surtout fallu travailler la définition du personnage de Mat, sachant qu’on ne pouvait pas «rentrer dans sa tête» comme dans le livre, sauf à user d’une voix off, ce qu’on ne voulait pas. Quand on a commencé à démarcher avec cette première mouture, on a fait face à un vrai problème : il nous a été impossible de trouver l’acteur. Les comédiens que je voyais me disaient : «Ouh la la, mais c’est vraiment noir ! Et ce personnage, là, qui est capable de mettre une balle dans la tête d’un type… oui d’accord, le type a une fille en otage, mais enfin quand même ! Non, non, désolé, je peux pas faire ça…» »
Hugues Pagan : « J’ai une bonne classification des comédiens français : pour moi il y a les petits animaux malades d’un côté, et les grands fauves blessés de l’autre. »
Gilles Béat : « Et il fallait un grand fauve blessé... Mais à ce moment-là je ne pensais pas à Depardieu. En fait, Alain Delon, que je connaissais bien pour avoir fait «Dancing Machine» avec lui, était très intéressé par le projet. Sauf qu’on tombait pile au moment où il y avait ce désintérêt de la production française pour le film de genre, et particulièrement pour le film noir. Parce que je pense que «Diamant 13» est d’abord un film noir avant d’être un polar. Comme je pense que «L’Etage des Morts» est un roman noir avant d’être un roman policier. Ce n’est PAS un roman policier. De toute façon, Pagan n’écrit pas de romans policiers ! (rires). Bref, nous retrouvant face à un rejet en bloc des producteurs, on a bien été obligés de remettre, non sans amertume, le scénario dans un tiroir. »
Grégory Alexandre : « Comment êtes-vous finalement arrivés à l’en ressortir, et avec Depardieu dans le rôle principal ? »
Gilles Béat : « L’adaptation de «L’Etage des Morts» était le seul projet qui me tenait vraiment à coeur depuis très longtemps, et si je devais ne refaire qu’un film, ce serait celui-là. Alors il y a quelques années, j’ai décidé de relancer la machine. C’est au moment où j’ai rencontré Olivier Marchal, avec lequel je tournais un épisode de «Commissaire Moulin» qu’il avait écrit, au moment où lui-même essayait de monter «Gangsters». J’ai immédiatement pensé à lui pour le rôle de Mat. Il avait tout : la gestuelle, le charisme, le parler…On ne passe pas un certain nombre d’années dans la police sans que ça ne devienne une seconde nature. En plus il était fan des romans de Pagan, il adorait «L’Etage des Morts». Olivier s’enthousiasme pour le scénario : «Gilles, c’est magnifique, mais tu ne monteras jamais un film pareil avec moi dans le rôle principal… T’es fou ! Comment veux-tu y arriver avec moi alors que tu n’as pas pu avec Delon ?» Evidemment il n’avait pas tort, même si entre-temps «Gangsters» était sorti, qui lui avait amené une première vraie notoriété. Le scénario me revenait à nouveau dans la gueule, de la part des producteurs, avec toujours les mêmes reproches : «C’est trop noir… trop long…» J’ai alors rencontré un producteur belge, Patrick Quinet, d’Artémis Productions. «Rue Barbare» était un des premiers films qu’il ait vu quand il était à l’INSAS, alors pensez… Il adore le projet, convainc le producteur luxembourgeois Claude Waringo, avec qui il avait déjà travaillé, d’entrer en coproduction, mais le budget n’était toujours pas bouclé, il nous fallait impérativement la France. Entre-temps, Olivier avait fait «36 Quai des Orfèvres», avec le succès que l’on sait, ce qui aurait pu me sauver, mais le paradoxe c’est que tout à coup, malgré le retour en grâce du polar, on ne pouvait plus en faire sans Olivier Marchal ou Frédéric Schoendoerffer en personne aux manettes ! Et puis Olivier me fait le cadeau de retravailler le scénario, le resserre, le peaufine et un soir il me dit : «Je te le serine depuis le début, tu n’arriveras pas à faire ce film avec moi dans le rôle de Mat. Mais j’ai un plan : Depardieu.» Et le lendemain matin, le téléphone sonne : «Salut Béat, c’est Gérard, je t’appelle de Tel-Aviv. C’est quoi c’t’affaire ?» Dans mon dos, Olivier l’avait appelé, lui avait envoyé le scénario... et l’avait convaincu de jouer Mat. Et voilà. A ce moment-là il avait un petit creux dans son emploi du temps, juste avant le Chabrol, ça rentrait tout juste. Le miracle. L’arrivée de Depardieu dans le rôle principal a tout débloqué. »
Grégory Alexandre : « Vous avez retourné à votre avantage les aléas d’une coproduction européenne dans le sens où ce qui est fascinant dans le film, qui ajoute énormément à l’ambiance, c’est justement l’identité très floue des lieux, l’impression permanente que l’on est en territoire inconnu. »
Gilles Béat : « A partir du moment où je ne tournais pas en France, où on n’était pas à Marseille ou à Dunkerque pour des raisons de production, j’ai commencé à réfléchir et je me suis dit que j’allais inventer une ville. Une ville qui soit obligatoirement une ville du Nord, une grande ville d’Europe. Quand on sait ce qui s’est passé ou se passe encore à Marseille, à Bordeaux, à Charleroi ou à Naples, on peut tout à fait penser que l’histoire de «Diamant 13» relève davantage de la tragédie antique que du polar «dénonciateur». Ce sont des personnages de tragédie que j’ai mis en scène, et ce mélange des lieux de tournage, Luxembourg, Charleroi, Anvers, Bruxelles, fait que l’on n’est pas dans l’histoire d’une ville en soi, même si on aimait bien l’idée d’une ville portuaire. Et surtout, on n’était pas à Paris, ce que je voulais à tout prix éviter. Montrer des cars ou des voitures de la police française, tellement identifiables, j’avais peur que ça fasse retomber le spectateur dans une ambiance visuelle de série télé. Du coup, j’ai inventé des bagnoles de police : celles que l’on voit dans le film n’existent pas Et les plaques d’immatriculation faisaient partie du jeu de la théâtralisation de l’histoire, avec l’envie de la sortir d’un contexte «réaloréaliste » premier degré. »
Grégory Alexandre : « Le polar est plutôt un récit descriptif, une enquête, tandis que le film noir, dont vous vous revendiquez, est, sur fond d’enquête policière, l’introspection d’un personnage, ce qui colle bien avec ce désir de théâtralisation… »
Gilles Béat : « Pour moi «L’Etage des Morts», et donc «Diamant 13», sont l’incarnation absolue d’un personnage - Mat - et de comment on va vivre cette histoire à travers lui. Mais avec des ellipses et des mystères. »
Hugues Pagan : « Monsieur Hitchcock disait : «Il faut laisser dans un scénario un demi-mystère parce que quand les spectateurs vont sortir du film ils vont aller prendre un verre de lait et se dire entre eux : «A ton avis, c’est quoi ça ?» On sort souvent asphyxié des films volubiles où l’on parle trop et dont on risque vraiment de ne plus rien comprendre du tout. Mais pour revenir au polar franco-français, j’ai bossé sur des films pour le cinéma, mais aussi travaillé sur des téléfilms. Et il n’y a pas de différence pour moi : on raconte des histoires. Mais il y a toujours un producteur pour me dire : «Oui mais Hugues, là, ces cons de téléspectateurs vont pas comprendre…» Donc il faut rajouter un prénom, un truc… Et puis, quand vous discutez avec des gens au troquet, on se rend compte qu’ils comprennent très bien, en fait. »
Grégory Alexandre : « Au moment de l’adaptation, il y a des détails du livre qui passent obligatoirement à la trappe. Rien n’est évoqué des rapports antérieurs entre Mat et Franck, la guerre d’Algérie qu’ils ont faite ensemble notamment, et toute l’intimité que cet événement a pu générer entre eux. »
Gilles Béat : « C’est parce que si en 1990, il y a dix-huit ans, ça pouvait signifier quelque chose, en 2008, si on choisit de faire un film contemporain, ça ne colle plus avec les dates. On aurait fait le film à l’époque, ça aurait été différent. Et puis l’amitié, ce n’est pas forcément deux personnages qui se racontent leur vie pendant quinze minutes de film, genre «tu te souviens qu’on a été copains…» L’amitié, c’est un coup de téléphone : «Tu me remets ? J’ai besoin de toi, je t’attends. Tu viens ? OK.» »
Grégory Alexandre : « En termes de bande sonore, le film n’a pas la tonalité «bluesy» du roman. On est plutôt du côté de «Borsalino»… »
Gilles Béat : « Oui, il y a une volonté, dans le travail que j’ai fait avec le compositeur belge Frédéric Vercheval, de renvoyer à une certaine époque, pas forcément vers le cinéma américain, mais vers le film politique italien des années 60-70. Musicalement, la musique de «Borsalino» elle-même faisait référence à cet univers-là, celui de «L’Affaire Mattei»… On a hésité sur le thème que Mat allait jouer au piano, on a pensé lui faire jouer un blues, mais finalement on s’est dit qu’il fallait que ce soit quelque chose de tout simple, presque un truc enfantin, ne serait-ce que pour que le spectateur qui n’a pas du tout l’oreille musicale puisse tout de même faire le rapprochement. »
Hugues Pagan : « Il y a une autre raison, c’est que si tu codes un message, tu ne codes jamais dans la structure de langage habituelle, c’est une règle absolue. Par exemple, si les deux personnages entre lesquels passe le message codé sont habitués à écouter du Bach ensemble, il ne faut pas que le message ressemble à du Bach. »
Gilles Béat : « Quand Mat écoute le CD aussi, il comprend tout de suite ce que ça signifie, et il comprend avant nous, ce qui est très important. »
Grégory Alexandre : « Comment revient-on derrière une caméra après tant d’années de faim et de désir inassouvi de cinéma ? »
Gilles Béat : « Ces dix-sept années de télévision m’ont finalement appris une certaine maîtrise technique. Mais avoir fait de la télé ne m’a pas coupé avec le plaisir de la mise en scène. La seule chose qui change, c’est le temps que l’on vous donne. Sur «Diamant 13», j’ai surtout essayé d’être le plus proche possible des acteurs, des personnages, le plus proche aussi de l’atmosphère que j’avais en tête. Comme j’ai maintenant le sentiment de savoir «jouer du piano», je n’ai plus à regarder le clavier, si j’ose dire, alors que sur certains de mes films, j’avais pourtant réalisé des plans plus complexes, notamment sur «Dancing Machine». Mais là, je n’avais aucun découpage technique précis, aucun story-board… Je n’avais pas besoin de ces béquilles, je m’étais suffisamment projeté le film dans ma tête. Je savais où et comment je voulais aller, tout en étant à l’écoute de ce qu’allait me proposer Gérard. Parce qu’on ne travaille pas avec lui comme on le fait avec un autre, il faut beaucoup parler avec lui, il a beaucoup à dire. Il a un côté fauve mais il s’investit et propose beaucoup, il est très inventif. Tous les matins, dans sa loge, on parlait de la vie, du personnage, de la scène du jour. On changeait des bouts de dialogues, on faisait avec une idée, on faisait sans. Des fois c’était presque de l’impro : à un moment, Mat devait répondre quelque chose à Franck, dans une voiture je crois, et au final il ne lui dit rien, il le regarde, simplement. »
Hugues Pagan : « C’est la grande force du cinéma, quand un regard supplante une réplique… »
Grégory Alexandre : « Gilles, aidez-nous à résoudre un dernier mystère. Votre patronyme, au générique de «Diamant 13», a perdu son «H» central… Cette disparition a-t-elle été signalée aux autorités concernées ? »
Gilles Béat : « Bon allez, je passe à table. «Béat» est en fait l’orthographe réelle de mon nom mais quand j’ai commencé ma carrière de comédien, au début des années ‘70, j’ai été mis devant le fait accompli au moment où j’ai vu défiler le générique de mon premier film. J’ai protesté devant cette liberté qu’avaient pris les producteurs, mais je n’ai pas eu gain de cause. Et comme ça tombait à un moment où, comme tout jeune « idiot » de 18 ans, j’étais en rébellion contre tout, contre la société, contre la famille, je me suis dit que ce n’était peut-être pas plus mal, finalement… Et puis un jour, il y a trois ans, mes filles m’ont fait la réflexion : «Pourquoi tu ne portes pas le même nom que nous ?» Et effectivement, pourquoi, aujourd’hui ? Alors je suis revenu à ma graphie originelle. Voilà, maintenant il n’y a vraiment plus aucun mystère ! »
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Fiche technique
Réalisation : Gilles Béat
Scénario : Gilles Béat, Hugues Pagan et Olivier Marchal
Directeur de la photographie : Bernard Malaisy
Montage : Thierry Faber
Assistant à la mise en scène : Frédéric Roullier-Gall
Décors : Frédéric Astich-Barre
Création costumes : Dominique Combelles
Costumes : Magdalena Labuz
Son : Philippe Kohn
Scripte : Anne Van Hove
Assistants réalisateurs : David Baldari et Hanne Phlypo
1er Assistant caméra : Carlo Thiel
Cadre : Chris Renson
Musique originale : Frédéric Vercheval
Mixage : Bruno Tarriere
Montage son : Marc Bastien
Maquillage : Turid Follvik et Claudine Moureaud-Demoulling
Photographe de plateau : Steve Braun
Direction de production : Vincent Canart , Brigitte Kerger-Santos et Claire Dornoy
Production : Patrick Quinet (Artémis productions), Marin Karmitz, Nathanaël Karmitz, Charles Gillibert (Mk2) et Claude Waringo (Samsa film)
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présentation réalisée avec l'aimable autorisation de
remerciements à Charlotte Maignan, Lalaina Brun, Laurence Gachet et Yamina Bouabdelli
logos & textes © www.mk2images.com
photos © Steve Braun
photos © Steve Braun