* Non ma fille tu n’iras pas danser

Publié le par 67-ciné.gi-2009

Non ma fille tu n'iras pas danser comédie dramatique de Christophe Honoré






avec :
Chiara Mastroianni, Marina Foïs, Marie Christine Barrault, Jean-Marc Barr, Fred Ulysse, Julien Honoré, Marcial Di Fonzo Bo, Alice Butaud, Louis Garrel, Caroline Silhol, Donatien Suner, Lou Pasquerault et Jean-Baptiste Fonck

durée :
1h45
sortie le 2 septembre 2009

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Synopsis
Dès la gare Montparnasse, tout va mal, Léna perd son fils Anton et rate de peu son train. Dans son sac, le bébé pie que sa fille Augustine a voulu sauver agonise. Arrivée en Bretagne, elle découvre que ses parents et sa soeur complotent pour son bien, et ont convoqué son ex-mari, Nigel.
Elle se sent trahie, humiliée, révoltée, faut-il partir ou rester ?
Tout envoyer valser?
Sa si faible confiance en elle s’évapore. Les fantômes du devoir, du jugement social, de l’ordre familial se liguent pour l’empêcher de vivre, d’aimer, et de penser, d’être tout simplement elle-même.


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Entretien avec Christophe Honoré et Geneviève Brisac
Christophe Honoré et Geneviève Brisac se connaissent très bien. Ils sont tous deux auteurs, elle a été son premier éditeur. Le regard féminin nécessaire à l’écriture du scénario de Non ma fille tu n’iras pas danser était d’évidence pour Christophe Honoré celui de Geneviève Brisac. De la même façon qu’elle est intervenue dans l’élaboration du film, elle intervient dans le récit de sa naissance. Comme on poursuit une conversation.

Christophe Honoré : « La naissance de Non ma fille tu n’iras pas danser s’est déroulée en trois actes. Premier acte : ma rencontre avec Chiara Mastroianni. Elle joue un second rôle dans Les Chansons d’amour. J’ai eu dès lors la révélation d’une entente entre nous sur le jeu. J’avais déjà éprouvé ce sentiment une fois, lors de ma rencontre avec Louis Garrel, cette impression d’avoir trouvé quelqu’un de l’ordre du double, un porte parole. Tout de suite après Les Chansons d’amour, j’avais dit à Chiara : Nous ferons un autre film ensemble, je ne sais pas quoi, je ne sais pas quand puisque je dois tourner La Belle personne avant. Deuxième acte : mon envie de revenir en Bretagne. Cela induisait aussitôt l’idée d’un film familial. Je suis breton, je suis arrivé tard à Paris, à 25 ans. J’ai jusqu’ici surtout filmé Paris, décor de la trilogie, Dans Paris justement, Les Chansons d’amour et La Belle personne. Mais je crois que je vois la capitale comme un provincial, le regard que j’y porte n’est pas de l’ordre de la familiarité mais de la découverte. Cette envie de revenir en Bretagne me permettait de me poser cette question : en quoi l’imaginaire si fort de ce pays avait-il infusé, influencé mon travail, parce que finalement je vois beaucoup de Bretagne même dans la trilogie parisienne ! Troisième acte : Chiara, la Bretagne, la famille. Et puis ? C’est là qu’entre en scène Geneviève (Brisac). Le personnage central de son roman Week-end de chasse à la mère qui a reçu le Prix Femina, pouvait convenir à Chiara. C’est une mère qui a un lien très fort avec son petit garçon. Dans le livre il y a la réalité et aussi la magie, et la Bretagne aussi…Beaucoup d’éléments qui me parlaient. Et comme à ce moment là Geneviève avait du temps…
»

Geneviève Brisac : « On peut dire les choses de façon plus explicite. Mes parents avaient eu un terrible accident de voiture, ma mère venait de mourir. J’étais plus que dans une vacance, c’était une absence. Et quelqu’un, Christophe, m’a tendu la main. Car je pense que la création est la réponse à l’absence, comme le travail est la réponse au chagrin. C’est Musset qui disait ça… Et s’il m’était alors difficile, voire impossible d’écrire pour moi, je pouvais tout à fait écrire pour Christophe, pour ce film, transmettre, transformer, transmuter ma peine en énergie. En parlant forcément de la famille, cet animal protéiforme avec ses maladies auto immunes, ces générations de femmes qui se font du bien, se font du mal…Je me rappelle comment Christophe m’a présenté la chose : Je vais te faire une proposition, tu ne dois pas l’accepter. Je te piquerai tout, tu ne retrouveras rien. Et je répondais ça m’est égal, au contraire, ça me stimule, je suis capable de donner. Ça me plaisait cet engagement, cette histoire de transmission, de générations, de parents et d’enfants. Pour Christophe, c’était le bon moment, lui-même avait eu un enfant… C’est Hemingway qui disait : Quand vous écrivez une nouvelle, c’est ce que vous n’y mettez pas qui fait la force de la nouvelle…
»

Christophe Honoré : « C’est vrai, jusqu’ici je n’avais proposé que des personnages de mère assez fantasmés. Et même tout à fait fantasmé comme celui de Béatrice Dalle dans 17 fois Cécile Cassard née de mon questionnement personnel, qu’aurait fait ma mère si elle nous avait abandonnés ? Le personnage d’Isabelle Huppert dans Ma mère est aussi un pur fantasme de mère. Ainsi Marie Christine Barrault dans Non ma fille tu n’iras pas danser est en quelque sorte la première mère réelle dans mon cinéma. Le fait d’avoir un enfant m’a aidé à me confronter à cette vérité là, je me trouvais pour la première fois face à une mère avec laquelle je n’avais pas un rapport d’enfant. J’ai donc beaucoup observé la mère de ma fille, et me suis aperçu que je pouvais avoir moi-même un discours incroyablement machiste, entrer à ma grande surprise dans cette violence faite aux femmes qui consiste à les accuser si facilement d’être de mauvaises mères. Cela m’a semblé être un vrai sujet de film, de film contemporain. Cette prise de conscience que malgré tous les combats du féminisme, il suffit d’appuyer sur un bouton pour rendre une femme coupable et donc très vite dévastée. À l’évidence, il fallait au film un regard féminin. Avec Geneviève, avec son terreau romanesque, ce regard était à ma portée. »


- : « Au milieu du film, très radicalement, on quitte la réalité pour entrer dans le conte par l’entremise d’Anton, le fils de Léna/Chiara qui est en train de le lire puis le raconte à sa mère, n’est-ce pas brutal ? »

Christophe Honoré : « J’assume ! Au moment où je retournais en Bretagne, m’est revenue cette légende qui me terrorisait lorsque j’étais enfant, et qui me semble au coeur même du sujet du film. L’histoire de cette Katell Gollet, Katell la Perdue que l’on retrouve dans les pardons bretons, dont l’image pétrifiée est gravée sur les calvaires, cette femme descendue aux enfers parce qu’elle a refusé d’être mère, parce que pour défier son père elle a fini par se marier avec un homme qui était le Diable. Cette idée qui peut sembler archaïque et naïve, dit beaucoup de choses sur la place des femmes dans l’imaginaire. »

Geneviève Brisac : « Oui je crois que par la suite ce qu’on voit, on le voit autrement. On rejoint la modernité, on rejoint le film qui est vraiment celui de la double vie des mères, et de la permanence d’un choix inéluctable, la maman ou la putain, la mère ou l’amante, la fille ou la mère, la soeur ou la fille… Mais en fait, il n’y a pas de ou, il y a cette superposition des rôles qui est si difficile, sinon impossible à assumer, et cette question qui revient sans cesse, comment peux-tu être ceci si tu es cela, il faut choisir… »

Christophe Honoré : « Le décollement vers le fantastique, Geneviève et moi en sommes conscients par notre travail d’écrivain. Il s’agit de partir du réel et de le transformer en beauté. Au cinéma, évidemment, c’est complexe ! À la fois vous êtes avec les personnages, dans la réalité des personnages, dans leur incarnation, et à un moment, vous espérez pouvoir réaliser non plus un portrait de femme, mais un portrait du féminin. Montrer que cette violence faite aux femmes par la culpabilité qu’on leur fait porter, vient de loin, des contes, des histoires que les enfants lisent, qu’il s’agit d’un héritage. Le film essaye de distiller ça. Je suis très admiratif des films d’un seul élan, ceux de Bresson par exemple. Mais un jour on s’aperçoit que l’on est très différent des cinéastes qu’on aime, qu’il va falloir faire avec. Cette idée d’inachèvement, cette idée de travailler sur des formes hétérogènes, je me suis aperçu que cela constituait vraiment mon cinéma. Alors je prends le risque de rompre le lien, de rompre la fiction, de permettre à la forme de prendre le pas sur la vraisemblance, faire qu’à un moment la forme prenne le pas sur le sens. Pendant que je travaillais sur Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo que j’ai monté au Festival d’Avignon, j’ai relu la préface de Cromwell, j’ai relu le manifeste des romantiques. Ils étaient contre la tragédie qui est la beauté pour la beauté et l’art pour l’art, ils étaient pour le mélange du sublime et du grotesque, pour la forme inachevée, pour le retour du réel dans l’art. Peut-être après tout, je suis un cinéaste romantique ! Dans mes films, dès que je suis sur une route nationale, en route vers Poitiers, j’ai besoin de bifurquer violemment, au risque de heurter le spectateur, même de le perdre parfois. »

- : « Les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle dans le film… »

Geneviève Brisac : « Si, ils assurent. S’ils ne semblent pas agir tout le temps, ils réagissent. Le futur ex mari de Léna, Nigel, dès qu’il y a une urgence, il intervient. On en connaît beaucoup des hommes comme ça. »

Christophe Honoré : « Non, non, c’est vrai, c’est un film porté par les femmes. Un film, ce n’est pas démocratique. La façon dont les personnages vivent et circulent est inéquitable. Il y a des leaders. Et les leaders de Non ma fille tu n’iras pas danser sont Annie, la mère et ses deux filles Léna et Frédérique. »


- : « Le personnage masculin le plus fort est celui du petit garçon, Anton, qui voit tout, comprend tout. Et lit dans le noir avec sa lampe de poche qui ne le quitte jamais. »

Christophe Honoré : « La lampe de poche pour lire dans le noir, c’est de l’ordre de la résistance. Lire dans le noir malgré les interdits, malgré les adultes, malgré les bombardements, malgré n’importe quel empêchement petit ou grand. Ça a peut-être aussi un rapport avec l’idée de regarder un écran de cinéma dans le noir…C’est du domaine de l’intime, de l’imaginaire. Le conte remplit cette fonction. Anton trouve refuge dans les contes, dans les livres. »

- : « Comment avez-vous opéré la distribution du film ? »

Christophe Honoré : « La distribution s’est construite autour de Chiara. Ce n’est pas rien de lui donner le rôle d’une mère. On ne peut pas faire comme si on n’était au courant de rien, qu’on ne savait pas qui était sa propre mère. Et du coup, je pense que cela aurait été une mauvaise idée de proposer à Catherine Deneuve - malgré l’adoration que j’ai pour elle – de jouer le rôle de la mère de Léna/Chiara dans le film. J’aurais trouvé cela pervers, et je n’étais pas du tout dans la perversité. En cernant le caractère d’Annie, la mère de Léna, Frédérique et Gulven, le premier nom qui m’est apparu est celui de Marie Christine Barrault. J’avais un souvenir d’elle, un peu lointain, mais fort, dans Ma nuit chez Maud. Je revoyais un visage angélique, assez doux, mais aussi comme toujours chez Rohmer, avec une vraie cruauté, une voracité. Il ne fallait pas faire d’Annie une Folcoche, cela aurait été atroce, il fallait qu’elle soit avant tout… »

Geneviève Brisac : « Un être humain ! »

Christophe Honoré : « Oui, et aussi qu’elle ne soit pas quelqu’un d’asséché, qu’elle soit encore dans la sensualité. Encore dans la vie. J’ai donc rencontré Marie-Christine Barrault avec Chiara. Elles s’étaient croisées mais ne se connaissaient pas. Nous avons fait une lecture, et j’ai tout de suite vu qu’il y avait déjà une envie de travailler ensemble. Après, il a fallu constituer la famille autour. J’avais depuis longtemps le désir de travailler avec Marina Foïs, elle est dans une forme extraordinaire, elle peut tout jouer. J’étais sûr que Chiara et elle allaient très bien s’entendre. Effectivement, elles étaient très soeurs sur le tournage. Elles ont un rapport assez dur dans l’histoire, et pour que cela passe, il fallait déceler entre elles une complicité fraternelle, de l’amour en somme. Le casting s’est donc bâti sur les femmes. Il y en a une quatrième, c’est Elise, la petite amie de Gulven. Ce serait Alice Butaud, parce qu’elle joue déjà dans les trois volets de la trilogie parisienne, et que j’aime bien retrouver les gens de ma famille. Pour suivre cette idée, j’ai carrément pris mon petit frère, Julien. Le couple qu’il forme avec Elise apporte de la légèreté, de la drôlerie, de la confiance dans l’hypothèse de la conjugalité ! Les deux maris de Léna et Frédérique, Jean-Marc Barr et Marcial Di Fonzo Bo sont des étrangers. Jean-Marc est américain, Marcial est argentin. J’aime bien l’idée, j’aime bien les accents, même légers. Malgré leurs liens officiels, les deux hommes ne font pas vraiment partie de la famille… Quant à Fred Ulysse, le père, il vient du théâtre, comme Marcial di Fonzo Bo, d’ailleurs. Cela leur donne un jeu un peu distancié que j’aime beaucoup. Et puis Louis Garrel. J’ai hésité longtemps avant de lui demander de participer. N’y verrait-on pas une forme de connivence ? Ce petit rôle d’un amoureux fugace de Léna qui survient, fallait-il le lui proposer ? »

Geneviève Brisac : « C’était bien de donner une vie sentimentale un peu complexe à Léna, même si ce n’est qu’une ébauche, de ne pas la confiner tout à fait du côté du divorce et des enfants, de laisser entrevoir que son espièglerie, sa fantaisie n’ont pas disparu. »

Christophe Honoré : « Tout de même, Louis ne fait que passer ! Mais Louis et moi, nous nous sommes réciproquement baptisés dans le cinéma, nous avons existé ensemble. Le rencontrant, j’ai soudain compris un peu mieux quel cinéma j’avais envie de faire. J’avoue, j’avais beaucoup, beaucoup de mal à me faire à l’idée qu’il ne serait pas là. Mais ce film, je n’aurais pas pu le faire sans Chiara. Sa prise de responsabilité d’actrice a été si forte qu’à un moment elle m’intimidait presque. Je sentais que pour elle, c’était important, qu’elle pensait, tiens pour une fois on m’offre un scénario où j’ai tout l’espace pour exister. Chiara avait déjà eu de très beaux rôles au cinéma, mais pas encore l’opportunité de porter un film, de lui donner son rythme, son énergie. Le premier jour de tournage, c’était la scène de la gare, à Paris, le moment où Léna ne retrouve pas son fils, s’affole. Chiara n’a pas cessé de courir dans tous les sens, elle avait demandé à l’accessoiriste de lester sa valise, qu’elle soit vraiment lourde. A la fin de la journée, elle avait les jambes pleines de bleus et elle souriait, rayonnante. Pour moi Chiara Mastroianni n’a pas été seulement une actrice essentielle, elle a été une partenaire idéale. J’espère que le film lui rendra ce qu’elle lui a donné. »


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Fiche technique
Réalisation : Christophe Honoré
Scénario : Christophe Honoré et Geneviève Brisac
Chef opérateur : Laurent Brunet (a.f.c.)
Ingénieur du son : Guillaume Le Braz
Décors : Samuel Deshors
Casting : Richard Rousseau
1ère assistante réalisateur : Sylvie Peyre
Costumes : Pierre Canitrot
Montage : Chantal Hymans
Montage son : Valérie de Loof
Mixeur : Thierry Delor
Musique originale : Alex Beaupain
Arrangements : Emmanuel d’Orlando
Une coproduction : Why Not Productions, France Télévisions et Le Pacte
Avec la participation de : Canal +, France Télévisions, Orange Cinéma Séries et La Région Bretagne
En partenariat avec : le Cnc


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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de
 

remerciements à
Philippe Lux
logos & textes © www.le-pacte.com
photos ©
Jean-Claude Lother / Why not productions

Publié dans PRÉSENTATIONS

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